Rencontre dans une carrière exploitée
DECOUVERTE DU GRAND-DUC D’EUROPE
« VIRE ARTIFICIELLE, RENAISSANCE NATURELLE »
VENDREDI 27 AVRIL 2018
" C’est une rencontre comme on aimerait en voir plus souvent, un moment d’échange, d’enthousiasme et de forte curiosité.
[…]
Ici que des professionnels, des hommes et des femmes, qui gèrent l’exploitation d’un minerai de 165 millions d’années… à coup de dynamite !
C’est à l’initiative d’un bénévole local, passionné du Grand-Duc et par ses liens qu’il a tissé au fil du temps avec la profession, qu’a eu lieu cette première rencontre naturaliste en carrière. Les représentants contactés, des sociétés Equiom, Sogepierre, Rocamat, MDB, SETP ont répondu à cette invitation, accompagnés de représentants de la Ligue pour la Protection des Oiseaux de Côte d’Or (LPO21, bénévoles et salarié), et de la chargée de mission de la ZPS « arrière côte de Dijon et de Beaune ». Seul absent, pas disponible, le représentant de la Carrière de Nantoux.
Ainsi, un petit groupe constitué de 13 personnes s’est retrouvé à la carrière Vaucrain à Comblanchien, une extraction de roche massive.
Ce site n’a pas été choisi par hasard, puisqu’il accueille depuis l’an passé (avec certitude, mais pour les années précédentes … ?) une aire de Grand-Duc d’Europe, où il y a eu un jeune à l’envol. Une femelle s’est installée mi-mars de cette année. L’objectif était de faire découvrir la nidification de ce grand rapace nocturne, qu’ils connaissent bien, mais qu’ils n’ont rarement, voire jamais, l’occasion d’observer.
Tout commence par une traversée au cœur de la Terre, celle du site des carrières de Comblanchien, d’abord en voiture, puis à pied pour rejoindre le point d’observation choisi.
Moment de curiosité pour les uns qui découvrent l’immensité des entrailles, comme pour les autres en attente de voir le lieu où l’aire du plus grand rapace nocturne du Monde est installée.
Enfin, le point d’observation atteint, nous sommes face à un front de taille vieillit, étroit, lisse et rugueux, à proximité de l’exploitation « plein pot », très bruyante et poussiéreuse.
Où peut-elle bien être ? Longues vues et jumelles scrutent. C’est sur un ancien gradin, à mi-hauteur, protégé d’une muraille en retour, exposée au soleil, au milieu d’un arbuste garni de touffes de graminées que la femelle est installée, à peine visible.
Devinez la masse, le plumage mimétique, des aigrettes couchées et ses rubis orangés. Une discrétion sans faille. Aucun ne pensait la trouver et l’observer ainsi. Le Grand-duc, c’est comme ça, vous l’avez-vous les yeux… et vous ne le voyez pas. Extraordinaire.
Les conversations s’engagent, enthousiastes. Une question revient. Pourquoi s’installe-t-elle si proche du front d’exploitation ? mais aussi, n’est-elle pas dérangée, plus de 100 dB et la poussière ? impossible d’y répondre, que des interprétations anthropiques.
La réflexion va bon train, chacun réfléchit à la manière d’exploiter sans dérangements. Chacun prend conscience de la difficulté de cohabiter et du rôle de garant de la réussite de la reproduction de ce rapace longtemps disparus de nos contrées suite aux persécutions passées.
Un engagement que chacun semble prendre, tous sont séduits par cette découverte.
Nous ne verrons pas de jeune, surement bien au chaud sous le duvet de leur mère. Il faudra attendre encore quelques jours pour avoir le plaisir de cette autre découverte. Le père, le mâle, quelque part par là, discret mais bien présent pour assurer en tout temps l’alimentation primordiale.
Le site est grandiose, les conversations intenses, la météo incite à la flânerie. Le moment du repli s’annonce, nous changeons de point de vue, peut-être découvrirons nous la descendance ?
C’est le moment pour M. Chaigne, exploitant du site, de nous expliquer les mesures de protection prises pour empêcher l’accès au-dessus de l’aire lors d’une première rencontre avec le bénévole local.
Enfin venu le moment de laisser se reposer les entrailles de la Terre et les gardiens de la nuit, chacun repartira avec ses images et ses rêves qui auront marqué cette soirée d’observation et d’échange, en souhaitant se retrouver prochainement pour la deuxième partie de cette exploration. "
Crédits photos :
Groupe participants: L. Moral - C. Juillard
Carrières et Grand-duc: C. Juillard
VENDREDI 15 JUIN 2018
" Bien qu'étant notre 2° soirée d'observation du Grand-duc, ce fut une première pour moi.
Je m'explique.
Avec le Grand-duc, c'est comme ça, je te vois, je te vois pas... ce soir c'était, je te vois pas.
Mais, j'avais la certitude qu'il était là, comme d'habitude, à nous observer, et pour lui c'était, je vous vois.
Ainsi, après nous êtes séparés vers 20h35, je ne suis pas rentré. Et non... et à 20h55, je retrouvais notre adulte, la femelle, dans la corniche terreuse dont je vous parlais, à l'abri sous racines. 21h05, quelques chuintements... je repère un jeune à droite […], dans le talus végétalisé. Grandes ailes étendues par moment, montrant de belles plumes. Déjà une belle envergure.
Puis, 21h35, j'observe l'adulte qui sort de sa cache pour se mettre en corniche, et s'envoler, se reposer, et manger des insectes saisis dans les serres, faisant plusieurs allers et retours jusqu'à 22h00.
Le 2° jeune chuinte aussi un peu, mais je ne le trouve pas. 22h05, je retrouve l'adulte posé sur un bloc, où nous étions arrêté au plus proche de l'aire. Les chuintements deviennent plus nombreux. Le 1° jeune, revenu sur la banquette […], se déplace rapidement, trottant sur la gauche, puis s'exprimant beaucoup, le 2° lui répondant. La femelle active, se déplace de blocs en perchoirs, les rejoignant, puis s'envolant. Le 2° jeune est sur la banquette juste en dessous derrière les blocs.
J'assiste à ce moment de nourrissage, très expressif, jusqu'à 22h35, où la pénombre ne me permet plus de les distinguer suffisamment, ainsi je pars.
Je n'avais jamais assister à cela. Nous ne les verrons plus à l'aire.
C'est la 1° dispersion, où ils ne s'éloignent encore pas trop, ne volant pas, mais ça va évoluer vite, ils sont intrépides à cet âge, ils grimpent partout. Enfin à partir du moment où ils éclosent, ça monte en puissance !
Je vous l'avoue, c'était un grand moment d'émotion.
Il manquait encore un peu d'attente pour que vous puissiez y assister.
L'Engoulevent d'Europe chantait pendant ce temps à la carrière des Rocherons.
[…] "
Claude Juillard
Merci à lui pour l'organisation de ces rencontres, la transmission de sa passion pour ce rapace nocturne et son engagement pour sa préservation. Nous le remercions également pour la rédaction de ses "contes"-rendus de sortie et son autorisation de les publier.